Liqueurs modernes : un goût d’amertume
Les liqueurs modernes souffrent fortement de la hausse des taxes mais surtout de la volatilité de leurs consommateurs. Le marché des liqueurs est à la peine depuis déjà plusieurs années et particulièrement depuis janvier, la catégorie étant parmi la plus impactée par la hausse des taxes. (- 6,8 % en volume à CAM P11 Nielsen). « On constate une décroissance depuis déjà 4-5 ans mais elle s’est nettement accélérée cette année et cela malgré des produits plutôt bon marché, reconnaît Isabelle Pascual, chef de produit chez Pernod.
Mais les consommateurs de liqueurs, très jeunes, sont particulièrement sensibles au prix et peu fidèles aux marques. » « La désaffection est d’autant plus flagrante que le mode de consommation de notre cible, les 18-25 ans, tend à changer, estime Florian Sallaberry, chef de groupe chez Lixir. Avant, on se familiarisait avec la consommation alcoolisée par des liqueurs, à moindre degré, mais aujourd’hui, les jeunes consomment directement des alcools plus forts comme le rhum et la vodka, d’ailleurs très dynamiques sur le marché, et les liqueurs modernes ne deviennent parfois qu’un ingrédient dans les alcools blancs et les cocktails d’où la chute des ventes. » Les marques avoisinant les 10 €, souvent à moins de 10 en promo, ont été touchées plus que les autres par la hausse des taxes en dépassant ce seuil psychologique.
D’où la stratégie des marques de baisser leur degré alcoolique pour stabiliser leur prix de vente, Malibu (Ricard) descendue de 21 à 18 % vol, Soho (Pernod) sous les 15 %, et chez Lixir, Passoa (de 17 à 15 %) et Pisang Ambon (de 20 à 17 %).
Autre stratégie : l’innovation. Elle s’est d’abord traduite par des extensions de gamme tous azimuts, Malibu, Soho, Pisang Ambon et Passoa ayant testé diverses déclinaisons de parfums pour défendre le linéaire. Mais celles-ci ont fait perdre à la marque-pilier une lisibilité pour le consommateur.
L’innovation est aujourd’hui plus réfléchie : Malibu s’est recentré sur son parfum coco mais en jouant l’élargissement des moments de consommation plus tard dans la soirée, entre repas et discothèque, avec Malibu Fresh et les poches de cocktails readyto-drink. Et si la marque continue de recruter auprès des 18-25, elle tente également de séduire un nouveau réservoir de consommatrices de 25-35, « celles des années 1990 à qui la marque ne parlait plus avec une com trop jeune » précise Carole Guinchard, chef du pôle festif chez Ricard.
Leur reconquête passera en 2013 par un mode de consommation moins sucré (des idées cocktails sont a l’étude) et surtout par un nouveau flacon, toujours blanc avec le cocotier mais au graphisme complètement revisité. Le Malibu Cocktails sera également décliné sur d’autres recettes.
Le ready-to-drink de Passoa, Tropical cocktail (orange cranberry) lancé au printemps a également bien décollé. Après s’être cherché pendant plus de deux ans, Passoa s’est recentré sur son parfum originel Passion mais « au lieu de se maintenir sur un ADN d’exotisme assez flou qui était devenu générique, nous avons voulu créer de la “désirabilité” autour d’un nouvel univers de marque brésilien ». Cette nouvelle thématique (PLV, soirées brésiliennes, box palettes…) sera relayée sur la bouteille en 2013, le drapeau brésilien devant remplacer le palmier historique. Pisang Ambon, à la banane verte, a souffert des mêmes maux et s’est attaché en 2012 à « rester autour de 10 € avec la difficulté de gérer plusieurs prix en rayon après la baisse du degré d’alcool du produit, explique Max Gautier, chef de groupe.
Les partenariats avec Éric & Ramzy puis Max Boublil, Pony Pony Run Run, n’ont pas donné les résultats escomptés mais ont quand même généré un regain d’attractivité ».
En 2013, Pisang Ambon mettra l’accent sur les promos pour descendre sous la barre des 9 € et planche également sur un ready-to-drink. Soho a adopté une forte stratégie promotionnelle dès 2011 (à 5 € pendant l’été 2011) pour recruter 180 000 acheteurs sur un an et gagné alors 1 % de PDM. Une relance mise à mal par la hausse des taxes. La marque avait réussi à redynamiser sous sa signature ombrelle Gloss et Caïpi-Thaï mais cette dernière commence à sortir des linéaires.
« C’est un vrai challenge de faire perdurer les innovations, avoue Isabelle Pascual. Nous sommes sur un marché de prix ou seules les fortes remises font les performances et permettent de recruter mais quand on les arrête, le marché revient au point mort. » En 2012, Pernod a donc misé sur une communication transversale et estivale, les “Apéritifs du frais” avec Soho, Pastis 51, Suze, Havana… et des cocktails facilement reproductibles à domicile (Soho avec du thé glacé par exemple). Une stratégie qui sera reconduite en 2013 avec également des innovations en perspective. Quant à Baileys (MHD), la marque à fortement souffert d’une bataille entre ses arômes qui a surtout pénalisé l’Original en baisse de demande et de soutien promotionnel à l’occasion de la Saint Patrick. Elle est néanmoins tirée par les dernières innovations (Noisette en 2011, Biscuit en 2012).
Lire la suite du dossier dans la RVI 3904 de décembre 2012.