Les vins rouges secs, moteur de croissance de la région du Douro
Au Portugal, en trois décennies, le marché des vins rouges secs de la vallée du Douro s’est développé. Cela pour faire face à une baisse mondiale des ventes de portos fin des années quatre-vingt-dix. Aujourd’hui, l’oenotourisme se développe dans la vallée et la production s’ouvre à de nouveaux débouchés.
Protégé des vents de l’Atlantique par une chaîne de montagnes de la Serra de Marào, le vignoble de la vallée du Douro s’étend de Régua à la frontière espagnole, sur des terrasses de schistes et des sols de granit. Ce célèbre vignoble de production des portos, compte désormais 40 000 hectares destinés à la production de vins secs du Douro.
Au coeur de ce paysage viticole classé au patrimoine mondial de l’Unesco, Quinta Nova de Nossa Senhora do Carmo cultive le tourisme. Amorim, le leader mondial du bouchon de liège, a transformé cette propriété du XVIIIe siècle en hôtel rural de prestige pour touristes gourmets en quête de paysages grandioses du Haut Corgo. En dix ans, la production du domaine a été industrialisée. Des lagars mécaniques remplacent le traditionnel foulage au pied et, Quinta Nova de Nossa s’est dotée d’une image sensorielle. Quatre-vingt-cinq hectares de vignes de catégorie A (la plus qualitative en schistes), situées à 300 mètres d’altitude, produisent une large gamme de vins secs et des portos de qualité.
Une appellation Douro trentenaire
Lorsqu’en 1986, le Portugal entre dans l’Europe, les vins de Porto sont soumis à l’application des règlements des appellations d’origine. Dans cette région délimitée du Douro (la plus ancienne du monde), il devient alors possible d’exporter le porto et les vins secs depuis le lieu de production. Jusque-là, tous les producteurs avaient l’obligation d’exporter depuis les entrepôts de Vila Nova de Gaia à Porto. « La dénomination Douro DOC a été réglementée en 1982 mais tous les vignerons produisaient déjà du vin de table pour leur consommation », raconte António Saraiva, à la direction de Rozès, parmi les premières à avoir regroupé sa production dans la région délimitée du Douro. Avec la possibilité de faire du vin sous la dénomination Douro DOC « Denominação de Origem Controlada », les producteurs vont dès lors choisir les meilleurs raisins pour élaborer des vins plus rentables que les vins de dénomination Porto.
« Nous avons été précurseurs dans la production de vins secs et leur lancement à l’international. Dans les années quatre-vingt, notre maison a mené des expérimentations au vignoble et cela a été fondateur pour notre marque Duas Quintas », relève Jorge Rosas chez Ramos Pinto. Son père, José Antonio Rosas, est à l’origine du projet pilote de la Quinta de Ervamoira. Il a influencé l’encépagement du Douro, démontrant l’adaptabilité des cinq cépages désormais répandus dans la vallée : touriga nacional, aragonês (tinta roriz), touriga franca, tinta barroca et tinto cão.
« Avec la règle du « bénéficio », explique Jorge Rosas, même si les vignes sont classées A, donc aptes à produire des portos, il n’est autorisé de produire qu’une part seulement de vin muté. Par le passé, nous avons d’abord distillé, puis nous avons fait des seconds vins. » Ce « bénéficio » étant calculé sur les ventes des douze derniers mois et l’inventaire des stocks de Vila Nova de Gaia, il permet de réguler le marché des portos.
Dans les années quatre-vingt, Quinta do Infantado, Quinta da Gaivosa, Quinta da Ferreirinha ont été, avec d’autres, à l’avant-garde de la production de vins rouges secs. Des vins comme « Barca Velha » produit par Ferreirinha et « Périquita » de José Maria da Fonseca sont emblématiques. « En 1990, la priorité était aux portos. Lorsque j’ai commencé à travailler avec mon père, je me suis demandé comment faire des vins secs fins. J’ai d’abord fait « Robustus », un vin lourd. Puis, j’ai évolué et aujourd’hui la vente de vins rouges secs du Douro représente 70% de nos ventes sur le marché portugais et à l’export (60 pays). Si la région du Douro produit vins blancs et rosés, 80% des vins secs sont rouges », argue Dirk Niepoort, un acteur éminent du Douro.
Firmes et petits producteurs
Désormais, posséder une quinta (domaine) permet aux firmes de valoriser leur production dans un esprit de propriété. « Au 6e rang des grandes firmes, Rozès produit 2,5 millions de cols de portos et 250 000 cols de vins secs du Douro (rouge, blanc, rosé). Vranken Pommery distribue 1,6 millions de cols de portos et 50 000 cols d’AOP Douro chez Nicolas et dans la grande distribution française. Actuellement le marché se concentre. Depuis son rachat par Vranken, la maison Rozès a repris neuf quintas. Avec 120 hectares en production, Terras do Grifo va devenir un des vecteurs de croissance de Rozès dans le monde», se réjouit António Saraiva à la direction de Rozès.
À l’inverse, des entreprises familiales travaillent volume et visibilité pour accéder à l’export. La marque Bulas lancée en 2011 regroupe les quintas Casto Baixo, Gouvinhas et Sabrosa. « Depuis 1976, nous vendions nos raisins à Symington puis nous avons voulu produire nos vins. Depuis 7 ans, 45% sont des vins secs du Douro, soit 45 000 cols pour 25 000 de portos », estime Isabel Vieira, directrice des domaines Bulas. D’autres mutualisent les moyens comme ces dix-neuf quintas qui vendent leurs rouges secs dans 25 pays sous la marque Lavradores de Feitoria.
À Paris et à Porto, Julien dos Santos, un enfant du Douro a ouvert Portologia – un bar à vin-caviste spécialisé. Il entend faire découvrir les vins de Porto et les vins secs du Douro en proposant des instants de consommation inédits.
De 2007 à 2016, la production de rouges secs du Douro est passée de 31,3 millions à 42,5 millions de litres pour une production de vins de portos passée de 87,7 à 80,5 millions de litres (Source IVDP). La part des vins rouges secs de la vallée du Douro représente 33% de la production de cette région viticole portugaise, talonnée par les blancs à hauteur de 20%. Et depuis peu la production de rosés s’éveille.
Christelle Zamora
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