Primeurs 2015, le temps de la confiance
En 2012, Frédéric Engerer, le directeur du Château Latour annonçait l’arrêt de la vente de vins en primeurs pour cette propriété, semant le doute sur la pérennité du système. En 2016, le sentiment de confiance revient et la filière est en ébullition…
En 2012, Frédéric Engerer, le directeur du Château Latour annonçait l’arrêt de la vente de vins en primeurs pour cette propriété. En janvier 2016, Philippe Sereys de Rothschild, président de Baron Philippe de Rothschild dévoilait son intention d’allouer légèrement moins de caisses du château Mouton Rothschild en primeur. Mais contrairement au château Latour, la famille Rothschild ne compte pas sortir du système primeur dans lequel elle connaît un franc succès.
Depuis plus de deux siècles, le système de vente « en primeur », pour des vins livrables 18 mois plus tard, assure à la propriété une stabilité de trésorerie. Elle n’a pas à attendre deux ans avant de toucher le fruit de son labeur. Pour l’acheteur, c’est l’assurance d’obtenir en direct des vins très prisés ou produits en faible volume, mais aussi de réaliser une économie par rapport à l’achat « en livrable », quand la bouteille est physiquement disponible.
Ainsi, lorsque Château Latour arrête de vendre en primeur et que Château Mouton-Rothschild vend moins de caisses en primeurs, ils réduisent leur confort financier, pour garder leurs stocks et les vendre en bouteille au moment où elles peuvent être bues. La trésorerie n’est probablement pas un problème pour ces crus exceptionnels. « Beaucoup de consommateurs veulent acheter du vin prêt à boire, plutôt que d’avoir à attendre pour le boire » (1), expliquait Philippe Sereys de Rothschild, au magazine anglais Drinks Business. Garder du stock permettra de répondre à la demande du marché livrable.
Enfin, le prix de la bouteille livrable est supérieur au prix de la bouteille en primeur. En 2013, le public pouvait acheter le Château Mouton-Rothschild millésime 2012 à 280 euros en primeur, en 2016 il vaut 366 euros HT selon Wine-Searcher.com (2). Soit une plus value potentielle de 30 % en 3 ans pour ceux qui ont acheté en primeur, les spéculateurs par exemple, ou pour le propriétaire qui vend plus tard. Pour les amateurs, c’est un achat avisé pour un plaisir futur.
« Nous avons du succès en primeur »
Loin d’être un déni du système de vente en primeur, la famille Rothschild reste très présente dans la campagne. « Nous avons du succès en primeur, nous ne changerons donc pas radicalement de stratégie. Nous croyons en La Place (nom donné au système bordelais de mise en marché NDLR) », disait en Mars 2016 Philippe Dhalluin, directeur de Mouton-Rothschild, au blog Liv-Ex. Le groupe commence sa campagne primeur au moment où nous écrivons. En attendant de dévoiler le prix du Château Mouton-Rothschild, Château d’Armailhac 2015 a été mis en vente à 33,90€ prix public et Château Clerc Milon à 50,80€ prix public. Certains négociants disent avoir déjà vendu toutes leurs allocations pour ces deux vins. Le château Clerc Milon a par ailleurs profité de la semaine de dégustation en primeur du millésime 2015 pour dévoiler aux journalistes la création de son second vin, appelé Pastourelle, qui vient compléter et améliorer le 5e grand cru classé. Autant de signes qui montrent la bonne entente du système primeur et des vins Barons Philippe de Rothschild.
L’enthousiasme
Depuis la fin des vendanges se murmure le retour d’un grand millésime à Bordeaux avec 2015. Les dégustations de la semaine des primeurs ont montré de nombreux vins de très belle qualité, fins et équilibrés.
Grâce à tant de bons indicateurs, les clients ont envie d’y croire. Avant même le départ de la campagne de vente, Bernard Le Marois, directeur et copropriétaire du site de vente en ligne Wineandco.com, nous confiait l’impatience des particuliers : « on se prépare à une très grosse campagne, elle n’a pas encore commencé mais il y a déjà beaucoup de trafic sur notre page de vente en ligne des primeurs 2015 ».
Au moment où nous écrivons, la campagne ne fait que commencer. Même si une centaine de vins sont déjà disponibles, presque deux cent restent à venir, dont les premiers grands crus du Médoc, si convoités. Pourtant, le site Wineandco ressent déjà la « magie du millésime 2015 », comptant sur « un chiffre d’affaire trois fois supérieur » à l’an dernier. Pour un seul des sites internet permettant d’acheter les vins de Bordeaux de cette campagne de vente (on en compte moins d’une dizaine), « 30 000 internautes ont manifesté le souhait de recevoir des alertes au fur et à mesure des sorties des crus en primeur ». L’envie et la qualité sont là, reste à transformer l’essai grâce à des prix justes.
(1) Traduit de l’anglais par la rédaction
(2) Recherche dans le monde, en mai 2016.
La cote peut varier selon les offres disponibles
Florentine Malher-Besse
Cet article a été publié le 26 mai 2016.