L’El Dorado asiatique – mai 2010.
On pourrait rire jaune en voyant affluer les acheteurs asiatiques aux primeurs bordelais, dans les salons de vins et spiritueux et aux ventes aux enchères des grands crus, en entendant rêver tout haut les vignerons et négociants à l’El Dorado chinois comme du sauveur de la viticulture française, en espérant que plus d’un milliard de nouveaux consommateurs vont abandonner thé et saké pour boire cognacs et vins français. Certes, il ne faut négliger aucun potentiel de commercialisation à condition de bien préparer sa conquête du marché. Certains en sont déjà revenus piteux d’avoir voulu construire des châteaux en Chine. Bien sûr, l’Europe, productrice et consommatrice, agglomérat de marchés dits matures, aime encore les vins de l’Hexagone malgré ses infidélités croissantes ; bien sûr, c’est le grand continent américain qui est en passe de devenir le plus grand consommateur de vin du monde mais c’est à l’Est que le soleil se lève.
L’Asie représente déjà plus de la moitié de la consommation mondiale des spiritueux et la consommation de vin y croît dix fois plus vite que dans le reste du monde, Hong Kong affiche son ambition de devenir le deuxième « hub du vin » et la Chine, désormais au 7ème rang des pays consommateurs, a multiplié en 10 ans et de façon exponentielle sa consommation de vin. Cela suffi ra-t-il à porter tous les espoirs des vignobles d’ici ? Aujourd’hui, la France reste le premier fournisseur de vins et spiritueux et bénéfi cie encore d’une image festive et gastronomique, de qualité et « d’art de vivre à la française ». Qu’elle en use et qu’elle en abuse, aussi bien à travers ses appellations d’origine, ses châteaux et domaines qu’avec ses marques et son nouveau « vin de France ». A l’exposition universelle de Shanghai seront présents des ambassadeurs de tout poil, Castel, JP Chenet, « Sud de France », des grands bordeaux, des petits beaujolais, des champagnes de LVMH pour accueillir des offi ciels, des vouvrays pétillants pour célébrer des mariages romantiques à la française… Revendiquons tout, n’ayons honte de rien si la qualité est là. C’est ça la France, non ?
RVI 3878 – Mai 2010