La chasse aux châteaux – édito d’octobre 2012.
Ils en font des envieux les beaux châteaux de notre douce France. Ils sont déjà une trentaine à avoir séduit le portefeuille d’investisseurs chinois, banquiers, industriels, joailliers et même stars de cinéma, qui n’ont guère de soucis de distribution au vu du potentiel du bassin de consommation dans l’Empire du milieu. Ces nouveaux propriétaires viticoles n’ont pas non plus le souci du retour sur investissement qui empêchait les candidats de se bousculer sous le porche des propriétés à vendre.
Pas d’achat stratégique pour le moment, même avec un Lafitte dans le nom ; tout au plus parle-t-on du premier grand cru classé de Saint-Émilion, Bellefont-Belcier, qui vient de passer sous pavillon chinois. Mais que sont quelques dizaines de châteaux sur les 7 400 que compte le Bordelais ? On n’a pas fait tant d’histoires à l’arrivée d’investisseurs anglais, néerlandais, américains ou pire, belges ou suisses.
Certes, l’une des dernières acquisitions asiatiques fleurait bon le fleuron du patrimoine français ; le château de Gevrey est, de surcroît, passé sous le nez d’un groupe de vignerons bourguignons qui pensaient l’acquérir pour 5 M€ alors que les propriétaires en voulaient 7 et que l’acheteur de Macau en a proposé 8. Quel vendeur n’aurait pas cédé aux sirènes du plus offrant sous prétexte de patriotisme ?
Là encore, les 2 ha et 12 000 bouteilles annuelles ne sont pas stratégiques et d’ailleurs, on peut soupçonner les investisseurs chinois de s’être autant intéressés à la bâtisse classée du XIIème siècle qu’à ses vins, pourtant issus d’une appellation emblématique.
Ce qui peut agacer serait plutôt que ces achats tombent au moment de la levée de boucliers des producteurs chinois contre ces “vins européens subventionnés” qui porteraient préjudice aux vins locaux. On peut encore en rire.
Peut-être pas pour longtemps car pendant ce temps, des investisseurs chinois bâtissent des “châteaux de Bordeaux”, copies conformes de propriétés médocaines ou libournaises, bientôt cernées de vignes, et des producteurs américains ambitionnent d’inonder un jour le marché avec des châteaux… d’appellation d’origine californienne ou new-yorkaise. Mondialisation, quand tu nous tiens…