Deux coups de tonnerre ont retenti dans le ciel bordelais. Comme des coups de semonce du dieu Bacchus à l’encontre de ces mortels d’Aquitaine qui n’avaient de cesse de faire grimper le prix de leurs vins à des sommets olympiens. Le premier a éclaté à la mi-mars, quand le demi-dieu Parker twitta violemment que « ce millésime était sans aucun intérêt si son intuition était bonne ».

Même si celle-ci devait s’adoucir quelque peu à la dégustation, il n’en demeurait pas moins déçu par les primeurs  2011. Au delà du désenchantement auquel les deux derniers millésimes n’avaient pas préparé le marché, les tarifs, dans l’attente fébrile des notes définitives, risque d’en pâtir sérieusement. On évoque une baisse de 50%, faisant retomber les prix au niveau de 2008. Le gourou US l’a d’ailleurs prédit : pas de marché à terme pour les primeurs 2011 si il n’y a pas de révision des prix. En tout cas, outre-Atlantique. Et les Chinois risquent de ne pas vouloir être pris encore longtemps pour des canards sauvages.

Deuxième coup de tonnerre à la mi-avril : le retrait de Latour du marché des primeurs. Le château a d’abord avancé l’intérêt du consommateur qui boit des vins dont il ne peut garantir la traçabilité et souvent trop jeunes. Il risque désormais de ne plus les boire du tout puisqu’il ne pourra plus se les offrir. Car là encore, c’est bien de prix dont il s’agit. Une autre explication apparaît plus prosaïque : faire accepter la captation de la plus-value au détriment de la place de Bordeaux. Ce choix ne pourra même pas fâcher négociants et courtiers si ils veulent préserver leurs allocations de bouteilles « finies ». Restera à Latour à financer tout seul vieillissement et stockage. La décision n’est pas sans risque mais on ne doute pas qu’un François Pinault sache parfaitement l’évaluer, culture du luxe oblige.

Edito de la RVI 3898 de mai 2012