Clairdie-Jaillance : Mariage de bulles.
Jaillance, née de la cave coopérative de Die, est devenu en 60 ans le premier opérateur d’effervescents AOC en France en passant par Bordeaux, Vouvray, la Bourgogne et Limoux.
Dans le Diois, on retrouve la trace du vin des Voconces chez Pline l’Ancien mais la clairette de Die n’apparaît comme telle qu’en 1905, validée par décret en 1942.
Au sortir de la seconde guerre mondiale, une production irrégulière, des prix faibles et l’exode rural vont conduire à la naissance de la coopérative en 1950, sous la houlette d’Henri Bonnet (qui en restera président jusqu’en 1975). À la création de la cave, l’espace de livraison n’est pas goudronné et les camions s’enfoncent dans la boue ; il n’y a pas assez de cuves ni de pressoirs ; les raisins sont souvent trimballés l’été dans les frigos de l’usine électrique de Romeyer et il n’y a pas de stratégie commerciale.
En 1951, la coopérative produit 80 000 bouteilles et dix ans plus tard, sur un potentiel de 1,5 M de bouteilles, seules 500 000 sont vendues, surtout localement, le reste partant comme blanc ordinaire dans des citernes chez les fabricants de mousseux de Lyon ou Marseille. Il faut attendre 1963 pour qu’arrive un directeur avec une formation de commercial et non un technicien du vin, Jean Loirot. Les cinq années suivantes, les deux tiers de la clairette sont déclassés en vins de table et la cave arrive à vendre 1,5 M de bouteilles alors en méthode rurale, basée sur une fermentation naturelle du moût mais pas très maîtrisée.
De nombreuses bouteilles éclatent dans les caves.
Jean Loirot visite les premiers supermarchés de la région ; Casino, le premier gros client, achète alors la clairette à 2,50 F. C’est le début des “ventes démonstrations” dans le Nord, l’Est, la Bretagne…
Le représentant de la cave fait sa tournée en 4L et s’installe derrière une table avec ses bouteilles en dépôt dans le magasin. À l’époque, les supermarchés vendent peu de bulles. Puis la cave embauche une quarantaine d’agents multicartes et se lance en 1964 dans une première promotion d’envergure avec la distribution de 250 000 porteclés fixés à la main sur les bouteilles ; elle réalise en deux mois la moitié de ses ventes annuelles.
Elle multiplie donc les ventes promotionnelles avec des bi-packs ou des coffrets alors peu courants et en 1965, lance, sans agence, une campagne publicitaire dans le métro : “Clairette de Die Coopérative, la seule, la vraie”. En 1970, la cave avoisine les 3 M de bouteilles misant sur la marque Clairdie en GMS qui fait l‘objet d’un nouveau slogan sur les murs du métro : “Clairdie, c’est son naturel qui séduit”.
La marque est aussi le seul vin à faire campagne à la TV sur la jeune chaîne Canal+, pendant les fêtes de Noël de 1980 – la pub étant alors autorisée aux vins ne dépassant pas 7 % vol., ce qui est le cas de la Clairette Tradition.
Apparaissent ensuite, toujours dans le métro, les affiches de terroir particulièrement bucoliques ; On passe à l’entracte du ciné des films sur la cave, les premières bouteilles armoriées arrivent dans les rayons et Jean Loriot monte des tournées de magasins pour livrer dans la région. La méthode rurale est devenue, par un décret d’appellation en 1971, méthode dioise ancestrale, stabilisant les vins avec une vinification par le froid, mais la cave a développé également des cuvées en méthode traditionnelle pour proposer, dès 1993, des crémants qui atteignent aujourd’hui plus d’un million de bouteilles par an. Depuis 2003, aligoté et muscat viennent compléter la clairette pour des assemblages plus aromatiques.
Dans les années 1990, la cave de Die choisit de communiquer à travers la marque collective le Cellier d’Hannibal, Clairdie étant réservée à la GD, puis en 2001, elle opte pour une nouvelle marque ombrelle, Jaillance, assorti d’un changement d’habillages afin de rajeunir son image, de grandes campagnes d’affichages régionales et des brochures d’explication au niveau local. Des campagnes plus terroirs ancrent le nouveau nom qui regroupe les autres activités d’effervescents de la maison : le crémant de Bordeaux et le vouvray, avec le rachat en 2001 de la maison Brouette, et le crémant de Bourgogne en partenariat avec des producteurs locaux. Jaillance s’associe alors au Cellier des Dauphins et à Wolfberger pour créer une structure de merchandising et suivi des bouteilles dans les linéaires des GMS (CWJ).
Depuis dix ans, une logistique avec traçabilité totale par informatique permet une meilleure gestion des stocks. La cave a également étendu sa gamme avec des produits bio (500 000 cols en 2011), lancé des cuvées pour le secteur traditionnel et tenté de développer l’export hors les marchés traditionnels belges et suisses en affichant les cépages sur les étiquettes.
Elle vient d’officialiser son union avec la cave de Sieur d’Arques à Limoux, renforçant ainsi sa position de premier opérateur français de bulles AOC (hors champagne) mais détenant désormais une part importante de vins tranquilles.
RVI 3902 – Octobre 2012