C’était il y a plus de sept siècles… Bertrand de Goth, archevêque de Bordeaux qui allait devenir pape en 1305 sous le nom de Clément V, effectuait ses premières vendanges dans le vignoble bordelais offert par sa famille. Son investissement personnel de la vigne jusqu’au chai, son exigence pour optimiser la qualité des vins qui s’imposait avec brio ont Iaissé une empreinte durable, encore palpable aujourd’hui.

Patrick Bruel, Bernard Magrez, François Berléand, Stéphane De Groodt et le Chef Yannick Alleno.
Bernard Magrez fête les 770 ans du Château Pape Clément au Pavillon Ledoyen le 23 Novembre 2022.
Photo : Bertrand Rindoff / Bestimage

Le souvenir de celui que l’on surnomma le « pape vigneron » brille d’un éclat particulier cette année marquant la 770ᵉ vendange du château Pape Clément, Grand Cru Classé de Graves. Une date exceptionnelle – « peu de domaines viticoles peuvent célébrer 770 ans » comme l’a souligné Bernard Magrez – qui méritait un événement à sa mesure : un menu signé Yannick Alleno, et parmi les convives, les plus grands journalistes de la presse du vin française et internationale, des amateurs de vin grand cru, François Berléand, Patrick Bruel (confiant à Bernard Magrez, « j’aime beaucoup l’homme que vous êtes, un homme d’émotion, à l’image de Pape Clément »), Stéphane de Groodt, Christian Morin (qui a présenté le Quatuor du Château Pape Clément, composé de quatre instrumentistes réputés, Nicolas Dautricourt, Cécile Agator, Lise Berthaud et François Salque, ayant joué respectivement avec deux violons, un alto et un violoncelle au moment du dessert ), Franz Olivier Giesbert, et l’historien Fabrice d’Almeida qui nous a plongé, avec un véritable talent de conteur, au coeur de 7 siècles de grands vins à Pape Clément.

La vigne du pape, un domaine pilote durant cinq cents ans
Peu de grands crus peuvent se prévaloir de sept siècles d’histoire et d’être nés de l’amour d’un Pape. C’est pourtant l’origine singulière de Château Pape-Clément, grand cru classé de Graves à Pessac. Son vignoble a été implanté en 1252 par la famille de Goth. Bertrand de Goth, cadet de cette noble famille, deviendra Archevêque de Bordeaux en 1305, avant d’être élu Pape en 1305 sous Philippe le Bel. Il choisit le nom de Clément V et donne à son domaine de Graves celui de « Pape-Clément ».
Un domaine qu’il chérit tant qu’il en fait un vignoble exemplaire, surveillant personnellement les plantations de ceps, pour la première fois alignés afin de faciliter les labours, insistant pour que piquets, échalas et carrassonnes soient judicieusement liés, sélectionnant les tonneaux, imposant le remuage qui favorise alors la qualité de vinification. Quant aux qualités morales, loin d’être oubliées, le bon Pape Clément ne veut ses vendangeurs que mariés « afin que les vendanges se tournent en enfants et non en bacchanales » !
C’est à l’archevêché de Bordeaux que Clément V lègue son domaine et, jusqu’à la chute de la royauté, les cinq siècles qui suivent confirment le caractère pilote de la « vigne du pape » et l’attachement des évêques-vignerons de Bordeaux au domaine. A la fin du XVIIIe siècle, Pape-Clément se porte à merveille et figure au premier rang des crus de Graves.

Première renaissance au milieu du XIXe siècle
Mais la Révolution est là. Bien du clergé, Pape-Clément est confisqué par l’Etat, mis aux enchères publiques en 1791 et vendu à un riche banquier bordelais : Charles Peixotto. Sa succession est difficile et le domaine passe entre plusieurs mains avant d’être acquis en 1858 par Jean-Baptiste Clerc, négociant et viticulteur éclairé qui rénove entièrement le vignoble et le dote d’un château digne de ce nom. La Médaille d’Or de la Société d’Agriculture de la Gironde et la Grande Médaille du Ministère de l’Agriculture, deux distinctions alors très convoitées, et la Médaille d’Or à l’Exposition Universelle de 1878, récompensent sa politique de qualité.

Le désastre des années 30
En 1890, les héritiers de Jean-Baptiste Clerc cèdent Château Pape-Clément au négociant Jean Cinto qui laisse la propriété à sa femme et à ses quatre enfants. Pendant près de quarante ans, ce sont ses filles et ses gendres qui s’occupent de Pape-Clément. Ils restaurent et agrandissent le château dans un style gothique et médiéval. Mais le vignoble va bien souffrir, de la crise des années 20 et 30 pour les vins de Bordeaux, de l’urbanisation et, surtout, d’un épouvantable orage de grêle qui, en 1937, détruit la quasi-totalité de ce qui en reste. Deux ans plus tard, en 1939, Pape-Clément est acheté par l’ingénieur agricole bordelais Paul Montagne.

Nouvelle renaissance
Dès la Libération, Paul Montagne se consacre à la restauration de Pape Clément. Les années de crise et de guerre ajoutées à la grêle ont laissé le vignoble dans un triste état. Mais cela ne parvient pas à abattre son enthousiasme et ses efforts récoltent assez vite des récompenses. Avec les millésimes 1953 et 1955, Pape Clément revient à son meilleur niveau.
A partir de 1957, Paul devenant aveugle appelle à ses côtés son fils Léo pour diriger le domaine. Léo Montagne agrandit la propriété et lui restitue les 30 hectares de vignes, pratiquement d’un seul tenant, qu’elle affiche désormais.