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Val de Loire, une nouvelle dynamique

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La comparaison est osée, mais un viticulteur qui préfère garder l’anonymat l’a faite : « Le gouvernement a délégué aux régions une partie de ses prérogatives, InterLoire fait la même chose. À nous de nous débrouiller ! » Avec quand même une différence essentielle : comme il a été précisé lors de l’assemblée générale d’InterLoire qui s’est tenue le 23 juin à Joué-lès-Tours, cette redistribution des cartes va entraîner une baisse sensible de la cotisation interprofessionnelle à partir du 1er janvier 2016.

Un taux unique de 2,50 € par hectolitre s’appliquera pour les 50 appellations concernées, alors qu’il tournait autour de 4,2 % en moyenne. Soit une baisse du budget estimée à 40 %. Les appellations vont pouvoir récupérer une partie des sommes non utilisées et les réinvestir au service de leur stratégie individuelle tout en augmentant leurs propres cotisations. C’est notamment de l’ODG Touraine-Chenonceau qui va dégager un budget de 300 000 € pour sa communication en 2016. Quant à InterLoire, son budget va passer de 4,8 M€ en 2015 à 4,6 en 2016. Pour Gérard Vinet, son président, il s’agit d’asseoir l’interprofession « dans son rôle fédérateur et moteur… Nous défendons l’idée qu’il ne peut pas exister de collectif interprofessionnel fort sans un syndicalisme d’appellation fort ». En clair, InterLoire garde quatre missions : défendre les intérêts politiques, commerciaux, économiques, environnementaux du  territoire ; accroître la notoriété des vins à l’international ; soutenir les AOC par des actions collectives transversales ; accompagner la compétitivité des acteurs avec des outils techniques (observatoire, simplification administrative). En revanche, l’interprofession perd ses compétences sur la promotion et la communication.

L’export reste un enjeu important, avec près de 435 000 hl vendus hors de nos frontières représentant 226 130 k€, soit une augmentation de 6 % en valeur pour l’année 2014. Le Royaume-Uni est le premier marché en volume des vins de Loire (83 000 hl), et le deuxième en valeur (38 k€), mais il a reculé de 9 % pendant le premier semestre 2015. Positions inversées pour les États-Unis, deuxième en volume (81 000 hl) et premier en valeur (55  k€). Pour 2016, l’ambition est de commercialiser à l’export 25 % des 2 000 000 hl produits, soit 270 M de bouteilles, contre 16 % aujourd’hui. Dans cette optique, InterLoire privilégie quatre actions phares : des stands collectifs à ProWein et à la London Wine Fair, l’organisation de “Spring to Loire” à Los Angeles avec les importateurs californiens et une journée de rencontres avec des acheteurs japonais qui s’est tenue à Osaka en avril dernier.

Si l’export tire la consommation vers le haut, le marché français résiste bien, avec une hausse de 8 % des volumes commercialisés pour atteindre 1,6 Mhl. L’année 2014 a été bénéfique en GD ou le Val de Loire a atteint 15 % de parts de marché avec une valorisation de + 3 %. Les Bulles de Loire représentent 32 % des parts de marché avec une valorisation de 5 %. Elles sont boostées par les crémants qui augmentent de 10 % par an, d’où les discussions en cours pour augmenter la surface de l’aire de production avec l’objectif d’atteindre 20 M de bouteilles en 2020. N°1 des effervescents à Saumur, Bouvet Ladubay (qui vient d’être racheté par la famille Monmousseau) est en pôle position sur le créneau haut de gamme : « Les  bulles représentent 95 % de notre production, soit 6 M de bouteilles réparties sur deux AOP : Saumur Brut et Crémant de Loire (sur cinq AOP : Crémant de Loire, Saumur, Touraine, Vouvray et Montlouis sur Loire), tout en méthode traditionnelle, affirme Juliette Monmousseau, directrice générale de l’entreprise. 65 % de nos vins partent à l’export, dans plus de 40 pays, dont 60 % en Allemagne ».

Surfant sur la vague, le groupe coopératif Loire-Propriétés développe les crémants dans le milieu de gamme avec des vins de châteaux destinés à la GD. Ackerman reste le leader incontesté des vins effervescents, avec un chiffre d’affaires consolidé de 70 M€, même si l’entreprise se renforce sur les vins tranquilles, comme l’explique son PDG Bernard Jacob : « Nous avons une image de producteurs de bulles, mais les vins tranquilles représentent 50 % de notre activité. En juin nous avons lancé un rosé d’Anjou baptisé Ligéria, et cette année nous avons acquis deux domaines de Jacques Beaujeau, La Perruche et le château La Varière, soit 160 hectares qui portent à 350 hectares la surface totale de notre vignoble. Ce sont des acquisitions stratégiques pour légitimer et améliorer notre image dans les vins tranquilles ». Ackerman étudie d’autres dossiers pour augmenter son offre, notamment à l’export où l’entreprise est déjà présente dans une cinquantaine de pays.

Le marché est plus marginal pour vins rouges de Loire, qui ne représentent que 5 % de la production, même si les bons rendements de la récolte 2015 ont permis à Bourgueil et Saint-Nicolas de Bourgueil de mettre en place des VCI, « au grand dam du négoce qui aurait souhaité la mise sur le marché de l’ensemble de la production pour faire baisser les prix » selon Guillaume Lapaque, directeur de Bourgueil. « Nous intéressons peu le négoce, même si nos AOC sont en bonne santé, ajoute-t-il. Avec 60 000 hl, Bourgueil n’est pas une AOC de volume, alors que les grands négociants souhaitent massifier leurs apports pour alimenter leurs marques, sans ambition qualitative. On ne sera jamais d’accord avec eux, nous préférons valoriser des cépages rares comme cour-cheverny ou romorantin qui produisent des pépites. On n’est pas dans la même logique. » On retrouve la même problématique dans le Sancerrois, où les viticulteurs craignent de voir arriver autour de l’AOC la plantation de cépages à haut rendement pour produire des IGP. Aidé par son nom éponyme de l’AOC, « le château de Sancerre, propriété du groupe Marnier-Lapostolle, tire bien son épingle du jeu » assure Marc Sorrel-Déjerine, directeur du département vin et gastronomie du groupe. L’entreprise vend toute sa production sans passer par le négoce ligérien, en ciblant des marchés de niche à l’export, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Europe du Nord et en Asie.

Céline Vuillet

1er novembre 2015

 

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